jeudi, février 14, 2008

La fabrication de l’information ou les sirènes du sensationnalisme



« L’idéologie c’est quand les réponses précédent les questions » disait Louis Althusser. Une phrase qui s’appliquerait à merveille aux journalistes, à en croire Florence Aubenas et Michel Benasayag, auteurs de "La fabrication de l’information et l’idéologue de la communication» paru en 1999. On nous y présente des journalistes, obsédés par l’audimat, qui ont délaissé leurs grands idéaux pour le sensationnalisme.


Les journalistes, non seulement rechercheraient le scoop mais en plus mettraient en scène, consciemment ou non leur propre croyance. « Le journaliste découvre rarement. Il trouve ce qu’il cherche ». D’où des commandes quelques peu étonnantes qui émanent des salles de rédaction : « Il faudrait un professeur en colère contre la réforme ». Au lieu de rencontrer ses interlocuteurs au gré de son investigation, le journaliste se forge une idée type de la personne qu’il souhaite interviewer et part alors à sa recherche. C’est en ce sens que les deux auteurs parlent de « casting ». La « fabrication de l’information » ressemblerait ainsi à la préparation d’un film.


Si le constat que dresse l’ouvrage est véritable, il serait cependant abusif d’en faire une généralité. On aurait aimé également que Florence Aubenas, une des plus talentueuse et respectée journaliste française, à la lumière de son expérience, livre quelques éléments d’explication de ce phénomène. A défaut le lecteur ne comprend pas cette « fascination pour le sensationnel » et peut voir en chaque journaliste un être médiocre et peu contentieux. Cette course au sensationnalisme et cette tendance à privilégier l’ « idéologie » peut trouver quelques simples explications. Le rythme qui prévaut dans les salles de rédaction ne permet pas, par exemple, au journaliste de prendre le temps de découvrir son sujet de façon posée et d’enquêter sereinement. Il est très courant que les rédacteurs en chef lui « commandent » un sujet dans la matinée ou dans l’après midi pour le 20h. Dans ce cas, à moins de ne pas craindre le licenciement, le journaliste doit faire vite et trouver le plus rapidement possible des intervenants d’où, en partie, le recours au « casting ».

Ironie du destin, celle qui disait qu’aujourd’hui « la Une d’un journal ne change pas vraiment le cours des choses » a été une des premières, grâce à sa plume, à réagir quant au procès d’Outreau. L’acquittement des suspects lui est, en grande partie, dû. Ironie du destin, Florence Aubenas a été prise en otage en Irak pendant plus de cent jours. Sans le goût de ses confrères pour le « sensationnalisme », elle y serait peut être encore…

La fabrication de l’information. Les journalistes et l’idéologie de la communication.
Florence Aubenas, Miguel Benasayag.
Ed La Découverte. 1999. 106 pages.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

à lire ou pas alors ?

Anonyme a dit…

à lire ou pas alors ?